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J’arrivai sur ces entrefaites à l’armée. Le duc de Richelieu était brigadier de tranchée ce jour-là, et j’y passai la nuit avec lui. Le lendemain il me présenta à M.  le duc de Vaujour, avec qui il était fort uni.

La ressemblance de caractère des deux me frappa. J’avais trouvé de l’esprit, de la science, un génie supérieur au duc de Richelieu : je retrouvai tout cela chez le duc de Vaujour, et je n’y connus de différence que l’expérience que donnent dix ou douze années de plus ou de moins. Les belles qualités de ces deux ducs me paraissaient d’autant plus aimables que je les trouvai rares parmi ce grand nombre de courtisans et de seigneurs dont l’armée était remplie. Si on eût compté tous ceux dont le mérite ne consistait qu’en fourgons et en chevaux de main, le nombre n’en eût pas été petit. Après avoir été quelque temps à Philisbourg, il fallut que je songeasse à retourner à Strasbourg, où mon service m’appelait.

La veille de mon départ, il pensa arriver à mon frère de Bourbonnais un accident dont j’aurais été la cause innocente. Il était venu me voir au camp du régiment, qui se trouvait si exposé au canon de la place, que, malgré les épaulemens qu’on avait faits nous avions