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apprendre lui-même que je ne retournerais plus avec elle. Je l’avais mis au fait de toutes ses affaires ; il fallut qu’elle filât doux avec lui, sans quoi il l’aurait fait arrêter elle et son mari. Je fus délivrée de tous deux peu de temps après ; ils partirent, comme vous le savez, pour Livourne, où ils croyaient faire mieux leurs affaires. »

Cette histoire, dont je savais les principales particularités par plusieurs personnes d’Angoulême, m’attacha davantage à Chichote ; je me félicitais d’être venu à Paris, où je pourrais vivre plus librement avec elle, lorsqu’il fallut que je pensasse à mon départ. Mon père avait demandé de l’emploi pour moi au duc de Bouflers ; j’avais déjà un frère chevalier de Malte dans son régiment[1]. Il me nomma à la lieutenance dans sa compagnie colonelle, et j’eus ordre de me préparer à partir.

J’annonçai cette nouvelle à Chichote. Quoi ! me dit-elle en pleurant vous m’abandonnez ! Ah ! je l’avais bien toujours prévu. Non, lui dis-je, vous ne me quitterez point. Je m’en

  1. Luc de Boyer d’Argens né en 1713, reçu dans l’ordre en 1725.