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déclara que le père Girard, après avoir abusé d’elle, l’avait fait avorter ; et comme par cette déclaration, elle aurait été aussi coupable que lui, il fallut avoir recours à l’unique moyen qu’il y avait, tout ridicule qu’il était ; ce furent l’enchantement et le sortilège[1].

Autant de fois que j’ai considéré cette affaire, j’ai admiré comment sur cette simple déclaration il s’était trouvé un homme assez crédule pour donner dans une fable aussi bizarre ; car enfin je veux que la Cadière eût

  1. Nous ne chercherons pas à contrarier ici le marquis d’Argens, qui semble vouloir excuser le père Girard ; mais il est impossible de ne pas reconnaître dans la conduite de ce jésuite un libertinage à sa manière masqué sous les momeries du quiétisme et des extravagances religieuses, auxquels secrètement il ne croyait pas. L’on peut voir dans les pièces du procès mille faits qui conduisent à cette opinion. Au reste, le 10 décembre 1731, la grand’chambre du parlement d’Aix s’assembla et prononça l’arrêt qui décharge le père Girard des accusations intentées contre lui, et le met hors de cour et de procès ( une voix de plus, il était condamné au feu) ; condamne la Cadière aux dépens faits devant le lieutenant de Toulon, et la met, ainsi que le carme et ses deux frères, hors de cour et de procès ; renvoie le père Girard pour le Délit commun au juge ecclésiastique. ( Voyez les Causes cèllèbres.)