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pour rompre tout à fait avec elle ; soit qu’elle le crût ou non, elle s’appaisa.

La mère de la demoiselle que je devais épouser, eut connaissance d’une partie de ces scènes tragicomiques. Je vis depuis ce temps que mes affaires allaient assez mal ; ennuyé de ces tracasseries, je pris la sage résolution de laisser là toutes ces femmes, et de m’en éloigner le plus qu’il me serait possible.

La seule chose qui me retenait était le défaut d’argent ; mes finances étaient épuisées ; mes créanciers étaient las de me prêter. On ne voyage guère avec la seule envie qu’on a de voyager, et sans argent on ne va pas loin ; il m’en fallait absolument, et le hasard m’en fit trouver où je n’aurais jamais pensé.

Il y avait un marchand de Lyon, nommé Peautrier[1], qui avait suivi à Marseille une fille de l’opéra, appelée la Neveu, qui travaillait depuis long-temps à lui faire faire banqueroute, quoiqu’il réparât par des friponneries au jeu les dépenses que l’amour lui causait ; il nourrissait avec sa maîtresse toute sa famille.

  1. Il y a encore à Lyon une famille de Peautrier qui fait un commerce assez considérable, tant dans les fabriques de soieries, que dans la chapellerie.