Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la première actrice ; elle chantait aussi des airs italiens. Ceux qui connaissent le théâtre savent la différence des mœurs de la comédie à celles de l’opéra : on peut dire, sans faire l’apologie des comédiennes, dont peu méritent d’être canonisées comme vierges, qu’il y a plus de différence d’elles aux filles de l’opéra que des vestales aux anciennes courtisanes de Rome. On ne saurait dire combien la débauche règne parmi les dernières, et, pendant le temps que j’ai vécu avec elles, j’ai toujours vu des choses qui m’ont paru surprenantes.

Notre souper ne fut pas modeste ; j’étais auprès de la Catalane ; je la trouvai plus réservée que les autres : aussi l’était-elle réellement. À six heures du matin chacun se retira chez soi. Le lendemain je retournai chez la Catalane. Je me figurais que le plaisir de l’entendre chanter m’y entraînait ; en effet, je ne sentais encore rien dont mon cœur dût s’alarmer.

Cependant mon cabinet ne me plaisait plus autant qu’autrefois ; j’avais repris cet air de dissipation que donne le grand monde ; je soupais tous les soirs avec les filles de l’opéra ; elles avaient chacune fait provision d’un amant