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tirent à la fois ; il n’y eut pourtant qu’un Turc blessé fort légèrement à la cuisse.

J’étais dans la chaloupe du commandant ; je lui aidai à y faite entrer les deux Turcs que nous menâmes prisonniers et qu’il avait arrêtes lui même. Il lit une action infiniment hardie qui lui sauva la vie. Un des Turcs qu’il avait pris tira son poignard pour le frapper ; il n’avait d’autres armes en main que sa canne ; il la lui plongea dans la gorge, et le renversant par terre, le fit désarmer par un matelot. Le lendemain on nous ramena notre soldat, et nous remîmes les deux Turcs en liberté. Nous crûmes qu’on nous reprocherait cette démarche un peu trop vive à la Porte ; mais le grand-visir n’en parla point à l’ambassadeur.

Mon mariage de l’Argentière avait infiniment altéré ma santé ; je fus obligé de demander à M.  d’Andresel d’aller changer d’air aux châteaux des Dardanelles, qui sont bâtis sur les ruines de Sestos et d’Abydos[1] ; j’y de-

  1. Sestos et Abydos sont célèbres dans l’antiquité par les amour de Léandre et de Héro. Héro était prêtresse de Vénus à Sestos du côté d’Europe ; Léandre son amant traversait le détroit des Dardanelles à la nage pendant la nuit, pour se rendre auprès de son amante ; à la fin Léandre se noya, Héro désespérée se jeta du