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sition, qui me servait de procureur je lui avouai tout ce qui se passait. Il me dit que je ne devais point m’étonner ; que la différence d’état et de condition ne faisait point un empêchement au mariage ; et comme il voyait qù’imbu des maximes de France, je doutais fort de ce qu’il me disait, il me raconta une histoire fort particulière, qui s’était passée, trois semaines avant que j’arrivasse à Barcelone#1.

« Vous voyez, me dit-il, le comte de Montemar, viceroi de cette province ; il vient d’éprouver que la plus haute naissance n’est point une raison pour empêcher l’effet d’un sacrement. Il resta veuf de fort bonne heure avec deux filles ; il maria l’une avec un seigneur ; sa cadette s’appelait Isabelle. Elle était bien faite, aimable, et aurait eu sans doute une fortune aussi brillante que sa sœur, si l’amour qui renverse tant de projets, n’eût réglé autrement sa destinée. Le comte de Montemar avait dans sa maison un jeune officier de son régiment qui lui servait d’écuyer ; il était d’une fort jolie figure et plein d’esprit.[1]

  1. C’est une vitle et port de la côte orientale d’Espagne, sur la Méditerranée, distinguée par le grand commerce qui s’y fait.