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neuf heures du soir, au sortir de la comédie, parce que la troupe ne jouant point le lendemain, cette circonstance me donnait deux jours à courir sans qu’on s’aperçût de notre évasion.

Il m’arriva, en passant à Perpignan un incident, qui me jeta dans un grand embarras. Quoiqu’il y eût plus de dix-huit mois que la peste fût finie, on ne laissait entrer personne en Espagne sans passe-port. Lorsque je fus chez le commandant, il me dit que j’aurais de la peine à pénétrer plus avant, et qu’il ne pouvait pas me donner un passe port comme venant de Perpignan, puisque je venais de plus loin. J’étais dans le dernier embarras ; je me voyais obligé de retourner ; je n’osais m’arrêter trop long temps sur une grande route, de peur que ma famille n’eût fait courir après moi, dès qu’elle saurait mon évasion. Je m’avisai d’un moyen qui me tira d’embarras. J’allai trouver le secrétaire du commandant ; je lui dis que j’étais officier, qu’une affaire malheureuse m’obligeait de sortir de France, et que je le priais de vouloir dire à son maître de quoi il était question, persuadé qu’il ne voudrait pas perdre un gentilhomme. Deux louis d’or et une