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ce qu’il y a de plus sacré, que nos sentimens sont aussi purs que le jour. Je pouvais lui parler de la sorte, car Sylvie et moi comptant sur notre amour et notre constance, nous nous regardions comme époux. Soit que sa mère fût touchée de ma sincérité, soit qu’elle pénétrât une partie de nos sentimens, ou que l’amour qu’elle a toujours eu pour sa fille la déterminât, elle me répondit qu’elle croyait Sylvie trop sage pour avoir d’autres sentimens que ceux que je lui donnais ; mais qu’une jeune personne se perdait souvent par des indiscrétions ; que je sentais bien moi-même combien l’heure où elle m’avait trouvé avec elle était peu convenable ; qu’elle n’avait pu s’empêcher de lui dire ce qu’elle en pensait ; qu’au reste elle était la maîtresse de revenir quand elle voudrait ; qu’elle la recevrait toujours comme une fille qu’elle aimait ; que je serais le maître de lui parler toutes les fois que je voudrais, pourvu que ce fût à des heures qui convinssent à la bienséance. Je dis à Sylvie la réponse de sa mère ; elle retourna chez elle, et je fus témoin de leur raccommodement. Je crois que ce qui le facilita, fut que la mère avait pénétré une partie de nos secrets.