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femmes de vous regarder encore, après ce que vous avez fait hier. Vous avez cru sans doute qu’en m’aimant vous trouveriez de ces conquêtes aisées et passagères. Je vous avais pourtant prévenu du contraire, et il me paraît que ma manière de penser méritait que vous eussiez une autre idée de mon caractère. Je n’ai point été assez heureuse pour pouvoir vous inspirer quelque estime ; j’espère que la conduite que je tiendrai dorénavant avec vous pourra me faire obtenir ce que vous m’avez refusé jusqu’ici. Je vous prie donc instamment de vouloir ne plus venir chez nous ; je vous serai même obligée de m’éviter par-tout où je serai. »

Surpris autant qu’on peut l’être d’une pareille demande, je fus quelque temps à répondre. Je ne vous obéirai point, lui dis-je ; et, puisque votre mère veut bien que j’aille chez elle, je me servirai de ce prétexte pour vous rendre tous les jours le témoin de mon désespoir. « Eh bien, lorsque votre présence me sera trop à charge, me répondit Sylvie avec un air piqué, je saurai m’en délivrer ; aussi bien cette femme, que vous appelez ma mère n’a-t-elle de droits sur moi que ceux que je veux bien lui donner, puisqu’elle n’est