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savoir comment finirait cette comédie, quand mon laquais me dit que sa fille de chambre me demandait. Elle m’apportait cette lettre :

Vous êtes fait pour me rendre malheureuse, je le sens, je le connais, et malgré cela je ne puis résister à l’envie de vous voir. Venez, ce soir à minuit ; Annette vous conduira dans ma chambres ; elle vous attendra à la porte du logis. Quittez le dessein de partir, ou résolvez-vous à me voir dans un désespoir qui me sera fatal.

Je baisai cent fois cette lettre., et fis mille extravagances. Je dis à Annette d’assurer sa maîtresse avec quelle joie je l’avais reçue. Je lui fis la réponse la plus tendre qu’il me fut possible. Je pensais que minuit n’arriverait jamais ; je regardais perpétuellement ma montre. Il fallut pourtant attendre près de sept heures ; mon impatience ne me servait de rien. À onze heures et demie, je sortis avec un laquais, qui m’éclaira jusqu’à l’entrée de la rue. Là je le renvoyai, et, guidé par l’amour, j’arrivai à la porte de Sylvie. Je trouvai Annette qui m’attendait ; elle me conduisit chez Sylvie.

Quels étaient dans ce moment-là mes sentimens ? je ne saurais les définir moi-même.