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R E F L E X I O N S

Julien avoit de l’esprit & du jugement, il embrassoit le paganisme qui etoit la religion du monde la plus fausse & la plus absurde ; donc il n’étoit pas persuadé de la verité ; donc il agissoit de mauvaise foi, donc il étoit criminel, donc il meritoit les reproches, que lui ont fait les ecrivains ecclésiastiques & l’Historien de sa vie.

Voilà la seule objection qu’on puisse faire contre le changement de Julien dans toute sa force. Nous en examinerons la solidité.

Je soutiens que l’absurdité du paganisme n’est pas une preuve, que Julien qui avoit de l’esprit & du jugement n’ait pû être persuadé de sa verité. Les plus grandes erreurs ont été crues souvent comme des opinions certaines par de tres grands hommes ; Parcourons succintement les sentiments des anciens Philosophes, nous trouverons qu’ils ont admis comme certaines des choses qui heurtoient directement la raison. Les Pythagoriciens et les Platoniciens ont cru la Metempsycose. Il n’est rien de si extravagant que ce Dogme, dont Lucrece fait si bien sentir le ridicule : N’est-il pas insensé, dit ce grand Poëte,[1] de se figurer que les ames sont en faction, pour animer précipitemment les plaisirs de Venus, et

qu'elles
  1. Denique concubia ad Veneris partusque ferarum
    Esse animas præsto, derediculum esse videtur ;
    Et spectare immortaleis mortalia membra
    Innumero numero ; certareque præproperantur
    Inter se, quæ prima potissimaque infinuetur :