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actes par le Sénat ; et nous le répétons, après l’exemple tracé par Pétion qui avait les mêmes pouvoirs, Boyer aurait dû agir autrement qu’il ne fit. La prudence le lui conseillait ; car il n’inspirait pas la même confiance qu’on avait en la sagesse de son illustre prédécesseur.

Toutefois, après avoir relaté, d’après le rapport fait par M. de Mackau au ministre de la marine, comment il discuta les droits et les intérêts d’Haïti, examinons si l’histoire équitable ne doit pas l’excuser d’avoir accepté l’ordonnance à raison de la situation réelle des choses.

Déjà, à propos de la mission de D. Lavaysse, nous avons fait remarquer que, sous le règne de Louis XVIII, c’était par ordonnance seulement que l’indépendance d’Haiti pouvait être reconnue ou concédée ; et nous avons dit qu’en 1821, M. Esmangart essaya vainement de faire comprendre, qu’une reconnaissance formelle eût été préférable à la concession : en 1824, on vit reparaître cette forme adoptée par le même roi, à l’occasion de la mission de MM. Larose et Rouanez, il est vrai, sur la demande expresse de Boyer. Charles X avait-il d’autres idées que son frère, sur le droit de la branche aînée des Bourbons ? Écoutons ce qu’a dit de lui et de l’émancipation de Saint-Domingue, un historien français[1] :

« Voici, dit-il, quelle était sur ce point la secrète pensée de Charles X : il la laissa échapper dans une conversation d’intimité. « Dans cette négociation, je n’ai pas considéré seulement les avantages du commerce et de la marine ; mais je l’ai conclue surtout en faveur de la classe la plus malheureuse et la plus innocente de ses malheurs[2]

  1. M. Capefigue, Histoire de la Restauration, tome 9, p. 143.
  2. Les colons de Saint-Domingue ! On sait que l’émigré, vicomte de Bruges, était l’un des intimes amis du comte d’Artois, devenu Charles X ; à ce titre, il était aussi de cette