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discute les dispositions ambigües avec la chaleur du patriotisme qui l’anime ; et quand il convoque, en conseil privé, les secrétaires d’État, les sénateurs et d’autres fonctionnaires publics, il ne leur communique pas cette copie de l’acte, sur l’acceptation duquel ils sont appelés à délibérer pour donner leur avis ! Ce conseil privé ne fut-il pas même prématuré, en ce que Boyer aurait pu attendre que M. de Mackau lui eût remis ses explications écrites pour les soumettre également à ce conseil[1] ?

Lorsqu’un chef agit de cette manière, avec la légèreté qu’inspire la vanité, il ne doit pas s’étonner qu’on lui impute tout le mal qui résulte d’une résolution aussi importante pour son pays. Et pourquoi le Président s’abstint-il encore de publier les explications de M. de Mackau, qui le déterminèrent à accepter cette malencontreuse ordonnance ? Ses concitoyens auraient pu mieux juger de ses intentions patriotiques ; ils eussent été satisfaits des termes que cet officier employa en disant en trois fois que, par son ordonnance, Charles X entendait « proclamer l’indépendance d’Haïti ; qu’en la proclamant, il renonçait à toute participation à l’exercice de la souveraineté du nouvel État ; qu’il n’avait jamais songé à se ménager, pour l’avenir, les moyens d’intervenir dans les affaires d’Haïti, etc. » Sans doute, la constitution de 1816 attribuait au Président de la République les relations extérieures, le droit de faire tous traités avec les puissances étrangères, même de déclarer la guerre, mais sous la condition de la sanction de tous ces

  1. Dans ses Mémoires, p. 71, B. Inginac prétend que cet écrit fut soumis au conseil privé ; mais c’est une erreur de son souvenir, car dans leur opinion motivée, les membres de ce conseil n’auraient pas manqué d’en parler, de même qu’ils ont dit qu’il avait été seulement fait mention verbalement de l’ordonnance. Mais Inginac nous semble avoir eu raison, en disant qu’il conseilla vainement à Boyer de publier cette note et l’opinion du conseil privé, en même temps que l’ordonnance.