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toast, les Haïtiens affectèrent même d’y boire avec un bruyant enthousiasme ; et ils eussent manqué à leurs devoirs envers le philanthrope qui avait si longtemps défendu leur cause, qui la défendait encore contre les détracteurs de la race noire, s’ils avaient pu se laisser influencer par l’improbation des officiers français. Ceux-ci n’avaient-ils pas vu le portrait de Grégoire, ornant la salle des séances du Sénat et l’un des salons du palais de la présidence ? Mais comme ils étaient nos hôtes en ce moment, que les convenances exigeaient de notre part des attentions courtoises, et que l’amiral Grivel venait d’exprimer une haute estime pour la mémoire de Pétion, le sénateur Rouanez, placé aussi dans une position officielle, aurait dû s’abstenir de porter ce toast par égard pour eux : cependant, du moment qu’il l’avait proposé, les Haïtiens devaient l’accueillir.

Ce fâcheux incident porta le gouvernement à omettre ce toast, dans la relation qu’il fit donner sur le Télégraphe, de toutes les particularités qui eurent lieu relativement à la mission remplie par de M. de Mackau ; en cela, il voulait, non-seulement être agréable à Charles X et à son ministère, mais surtout ne pas s’exposer à entraver la conclusion du traité qu’il s’agissait de faire, pour remédier aux ambiguïtés de l’ordonnance royale. La situation que cet acte faisait à Haïti commandait ce ménagement : on ne le comprit pas ainsi dans la République, parce qu’on oublia que ce qui est permis aux citoyens ne l’est pas toujours au gouvernement lui-même[1].

  1. Cette particularité fut dénoncée avec malignité à Grégoire ; je crois même qu’elle fut mentionnée sur les journaux ministériels, à Paris. Ensuite, les commissaires haïtiens envoyés l’a, n’allèrent visiter Grégoire qu’après avoir terminé leur mission infructueuse et au moment de retourner à Haïti. Ce vieillard se crut abandonné par les Haïtiens et en conçut une vive peine qu’il exprima dans un écrit à leur adresse, en leur faisant ses Adieux. Nous en parlerons plus tard,