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en son nom le pacte le plus généreux dont l’époque actuelle offre l’exemple. Vous y trouverez la preuve, Messieurs, qu’en ces grandes circonstances, la royale pensée de Sa Majesté ne s’est pas moins portée sur l’état précaire des Haïtiens que sur les intérêts de ses sujets.

» Sans doute, Messieurs, les hautes vertus de votre digne Président, et les prières d’un Prince qui est tout à la fois l’orgueil et de son père et de la France, ont exercé une grande influence sur la détermination de Sa Majesté ; mais il suffirait qu’il y eût du bien à faire à une réunion d’hommes, pour que le cœur de Charles X fût vivement intéressé.

» Dieu bénira, Messieurs, cette sincère et grande réconciliation, et permettra qu’elle serve d’exemple à d’autres États déchirés encore par des maux dont l’humanité gémit,

» Aussi nous est-il permis, d’espérer que, dans le Nouveau-Monde comme dans l’Ancien, nous trouverons tous les cœurs, ouverts à cet amour qui nous fut légué par nos pères, dont héritera notre postérité la plus reculée, pour cette auguste Maison de France qui, après, avoir fait le bonheur de notre pays, a voulu fonder celui de ce nouvel État. »

Et il déposa l’ordonnance sur le bureau du Président du Sénat et retourna à sa place[1]. Le sénateur Rouanez, l’un des secrétaires, en donna lecture à haute voix. Sur l’invitation de son président, le Sénat vota son acceptation et son

  1. En voulant se rasseoir, M. de Mackau perdit l’équilibre et brisa son siége ; car il était corpulent et de grande stature. Il fut soutenu par les deux amiraux pour ne pas tomber ; un général haïtien lui donna un autre fauteuil. J’ai vu ce que je dis. — Cette particularité, connue dans le public inquiet, fut interprétée comme un mauvais signe pour l’ordonnance qu’il venait de déposer sur le bureau du Sénat, tant la superstition est vivace dans certains esprits.