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tude, elle n’entendait pas se ménager le droit d’intervenir dans les affaires d’Haïti. Cette obscure combinaison serait indigne du caractère élevé d’un monarque dont l’Europe se plaît à proclamer la bonne foi.

Cette clause, ainsi que je l’ai déjà expliqué, n’a d’autre but que de montrer la France fidèle aux engagemens qu’elle a pris au congrès de Vérone avec tous les autres États de l’Europe[1].

Il y fut arrêté que tout arrangement qui aurait pour but de réconcilier de nouveaux États avec d’anciennes métropoles serait favorisé par tous les souverains de l’Europe, pourvu que (la métropole exceptée) tous les autres pavillons fussent accueillis et traités pareillement dans les nouveaux États.

La France donne la première l’exemple d’une réconciliation qui, étant imitée par son ancienne alliée,[2] peut rendre à toutes les Amériques le repos et la liberté, après lesquels elles soupirent vainement depuis si longtemps ; et c’est dans les premiers mois de l’avénement au trône du Roi Très-Chrétien, que S. M. a voulu consacrer ce grand acte.

La France veut tenir ses promesses au congrès de Vérone, tout en proclamant l’indépendance d’Haïti ; et son but, par cet art. 1er  de l’ordonnance qui éveille tant de soupçons, est surtout de prouver qu’elle n’a stipulé des avantages particuliers pour aucun de ses alliés : c’est là son vrai motif.

Peut-on dire que cette première clause annule l’effet de la généreuse déclaration de l’indépendance d’Haïti ? Quand le Roi de France est encore souverain de Saint-Domingue, il tient ses promesses aux divers souverains de l’Europe.

En proclamant l’indépendance d’Haïti, il renonce à toute participation à l’exercice de la souveraineté du nouvel État.

Non, le Roi de France n’a jamais songé à se ménager pour l’avenir des moyens d’intervenir dans les affaires d’Haïti ; S. M. a daigné me le dire positivement, et sa pensée m’est tellement con-

  1. Le congrès de Vérone eut lieu à la fin de 1822, du 20 octobre au 14 décembre, alors que le marquis de Clermont-Tonnerre, ministre de la marine et des colonies, envoyait M. Liot auprès de Boyer.
  2. L’Espagne, à l’égard de ses colonies indépendantes. Ce passage confirme ce qu’on a dit de M. de Villèle.