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ment, — il n’eût pas convenu à la tranquillité et au bonheur du pays, qu’on fit un appel au peuple pour la révision de la constitution dont les bases devaient rester immuables, comme Boyer le disait dans son message ci-dessus ; tandis, qu’à vrai dire, cette révision n’aurait été profitable, qu’en faisant disparaître certaines imperfections de cet acte. On eût couru le risque de voir amoindrir les attributions et l’autorité du pouvoir exécutif qui, en face des puissances étrangères, avait besoin cependant de la plus grande force possible, de même qu’à l’égard de l’intérieur[1].

D’un autre côté, nous croyons que Boyer avait des motifs particuliers, qu’il ne pouvait avouer dans son message et qui s’accordaient cependant avec le vœu national.

Dans leur correspondance avec lui, les philanthropes étrangers, — les libéraux français surtout, qui, soit dans les chambres, soit dans les journaux, prenaient la défense d’Haïti et de toute la race noire, ces hommes loyaux et éclairés reprochaient toujours à nos institutions politiques l’exclusion de la race blanche de notre société, contraire, selon eux, à notre avancement dans la civilisation et à notre prospérité matérielle, et il était naturel qu’ils pensassent ainsi.

Or, Boyer, de même que Pétion, de même que tous les Haïtiens de cette génération qui gouvernait le pays, avait des idées fixes sur cette grave question, pour maintenir cette exclusion[2]

  1. Je sais que ces idées paraîtront à certains esprits, en Haïti, comme l’apologie du pouroir absolu ; mais je crois connaître assez mon pays pour ne pas m’inquiéter des leurs sur l’organisation de l’autorité du chef de l’Etat. À mon avis, c’est en 1838, après les traités conclus avec la France, qu’il eût convenu de réviser la constitution ; mais alors il eût fallu que Boyer se mît franchement et résolument à la tête des réformes que la situation du pays réclamait réellement.
  2. Le 11 avril, environ un mois après son message au Sénat, il répondit à une lettre du