Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais ceux qui eurent assez de volonté pour s’y fixer, se conduisirent en général comme des citoyens paisibles et laborieux, soit qu’ils se livrassent à la culture, ou soit qu’ils pratiquassent divers métiers ou un petit commerce dans les villes[1].

Et, ce qu’il y eut encore de très-fâcheux dans l’émigration avortée de cette population, c’est qu’elle introduisit en Haïti la petite vérole ou la variole qui parut sur les émigrans dans le cours du voyage, et qui se développa parmi les Haïtiens avec une effrayante rapidité ; ces derniers n’étaient point préparés contre le fléau par l’usage de la vaccine ; la plupart des autres en subirent l’effet par leurs habitudes de saleté, pour avoir vécu dans un pays où l’hiver dispense de bains salutaires.

De sorte que, en résumé, on peut dire que cette opération fit périr plus d’Haïtiens par le fléau, qu’elle n’introduisit d’émigrans utiles à Haïti.

Il n’en fallut pas davantage pour dégoûter le président Boyer et les principaux fonctionnaires, et les citoyens qui concouraient avec lui pour offrir un asile à cette population malheureuse qu’ils désiraient arracher au joug humiliant des Américains, surtout lorsqu’on voyait qu’une grande partie de ces infortunés aimaient encore mieux retourner se placer volontairement sous ce joug.

Ce résultat regrettable fit rappeler l’agent Granville des Etats-Unis. À son arrivée au Port-au-Prince, il reçut de graves reproches de la part du Président, qui ne s’était pas attendu à tous ces mécomptes[2].

  1. C’est depuis cette immigration qu’avait paru au Port-au-Prince l’industrie des chiffonniers que, le premier, M. J. Ardouin provoqua des immigrans. D’autres s’établirent porteurs et vendeurs d’eau qu’ils puisaient aux fontaines, au grand avantage des citadins.
  2. Grauville, mécontent lui-même de la désapprobation du Président, donna sa démis-