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Boyer fit veir une immense quantité dans le cours de cette année[1].

La réclamation qu’il fit valoir fut l’objet de quelque critique en Haïti : on prétendit que c’était enlever à la mémoire de Pétion le mérite qu’il avait eu en secourant Bolivar et ses compagnons dans le refuge qu’ils vinrent y chercher.

Mais, à quelle condition principale Pétion avait-il accordé ces secours ? À la condition de l’émancipation réelle des esclaves de la Côte-Ferme. Si Bolivar avait déclaré la liberté générale de ces infortunés, pour être fidèle à sa promesse, n’avait-il pas dû souscrire ensuite à l’opposition qu’il rencontra parmi ses concitoyens ? Était-ce à lui seul que Pétion entendait donner ces secours ? Ces armés, ces munitions, etc., ne profitèrent-elles pas à la cause des Indépendans qui, par ces moyens généreusement fournis, réussirent à expulser les Espagnols de leurs territoires ?

Du moment que, dans leur égoïsme, ils refusèrent de reconnaître les droits des milliers d’hommes qu’ils tenaient sous le joug de l’esclavage, qu’ils oublièrent la condition des secours qui leur furent accordés au nom d’Haïti, Haïti avait le droit de réclamer la valeur des objets qu’elle leur fournit.

Et Bolivar lui-même, d’accord avec ses concitoyens, n’avait-il pas montré envers Haïti l’influence des préjugés de couleur, en ne la convoquant pas à son congrès de de Panama ? Quel aurait été le but de tous les États de l’Amérique représentés à ce congrès ? De s’unir pour s’opposer aux prétentions exorbitantes de la Sainte-Alliance des potentats de l’Europe. Et dans le cas d’une agression

  1. Je crois que la somme réclamée et payée s’élevait à environ 70,000 piastres.