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magistrature de l’Etat, elle ne peut provenir, avec l’approbation de sa conscience, que dans la franche manifestation de l’estime publique. Jugez, d’après cette expression de ma pensée, combien mon cœur est pénétré de gratitude, lorsque les membres du premier corps constitué me donnent, parlant au nom de la nation, d’éclatans témoignages de leur approbation. Cependant, je dois le dire ouvertement, parce que les principes qui me dirigent sont invariables : votre affection et vos suffrages me suffisent. Je regrette que vous ayez pensé devoir décider que je reçusse, à titre de concession nationale, de nouvelles propriétés. Que la République prospère, je serai récompensé au delà de tout ce qui fait le bonheur en ce monde ! En effet, quelle fortune peut égaler l’avantage de coopérer efficacement à consolider la liberté et l’indépendance de son pays ?

Signé : Boyer. »

Ce message se terminait par de nobles paroles, et le Président n’accepta point le don national qui lui fut accordé spontanément par le Sénat. Comme général, sous Pétion, il avait reçu le sien de même que tous ses collègues ; il avait pu, comme eux, acquérir d’autres propriétés du domaine public ; et depuis la réunion de l’Artibonite et du Nord, il avait pris à ferme plusieurs des habitations connues auparavant dans ces départemens, sous le nom de « domaine de la couronne, » et que Christophe faisait exploiter à son profit. Boyer pouvait donc les acquérir de l’Etat, — ce qu’il fit ensuite, — et le Sénat, mal avisé, dut se repentir de son initiative intempestive. Ce n’était pas, d’ailleurs, un cas semblable à celui où ce corps accorda à Pétion deux sucreries en don national ; alors Pétion n’avait que des habitations à ferme, et au moment où il venait de doter tous les généraux de la République, il était juste que le