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vait le rassurer contre les projets des factieux, c’était le bon esprit des troupes du Nord et de l’Artibonite, en général, et des populations des campagnes qui gagnaient tant déjà au changement survenu, depuis que la constitution de la République eut été publiée au Cap et dans toutes les communes ; c’était encore l’effet produit sur les esprits par la distribution des nombreuses concessions de terrains aux vieux militaires renvoyés du service, aux officiers de tous grades, par la répartition équitable faite aux cultivateurs d’une portion des denrées qui existaient sur les biens possédés par Christophe ou dans les magasins de l’État ; enfin, c’était le régime républicain, tout de douceur et de bonté, substitué aux rigueurs de la tyrannie.

Après avoir solennisé la fête nationale de l’indépendance, à la capitale, comme cela eut lieu dans toutes les communes, le Président d’Haïti avait ordonné, le 10 janvier, qu’une revue générale de l’armée fût passée pour recevoir un mois de solde ; et le 12, il rendit un arrêté pour mettre en vente, dans les départemens de l’Artibonite et du Nord, les anciennes habitations sucreries abandonnées, les emplacemens non bâtis des villes ou bourgs et les salines de l’État, conformément aux règles administratives déjà établies dans la République. Ainsi, l’armée qui venait de se soumettre à ses lois, les militaires et les citoyens qui voulaient concourir à devenir propriétaires, tous trouvaient satisfaction dans leurs intérêts, par l’égalité qui régnait à côté de la liberté, — ces deux droits étant garantis par la propriété.

Mais les conspirateurs ne pouvaient comprendre toutes ces choses. Se croyant toujours puissans sur l’esprit des hommes qu’ils avaient vus si soumis à leur autorité sous le régime déchu, ils résolurent de mettre leur projet à exécu-