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Comme tous les hommes de la génération qui prit les armes, en 1790, contre le système colonial, qui lutta contre tous les blancs jusqu’à la fin de 1803, Blanchet avait fait son expérience politique. Se trouvant à Santo-Domingo à la fin de 1821, au moment de l’indépendance proclamée par Nunez de Cacérès, il avait vu à l’œuvre ceux qui maintenaient l’esclavage dans l’Est, qui répugnaient à se soumettre à la République ; et en mars 1822, où il dictait ses idées, il était encore soiis l’impression de la tentative faite sur Samana par des navires français appelés dans la baie par les colons de cette presqu’île : de là sa persévérance dans l’exclusion des blancs de la société haïtienne[1].

Une autre de ses idées nous frappe, celle qui est relative à la faculté que l’art. 50 donnait au Président d’Haïti de s’adresser au Saint-Père le Pape pour avoir un évêque dans le pays ; Blanchet la repoussait comme « inutile et impolitique. » Cependant il y avait un archevêque à Santo-Domingo en ce moment ; mais Blanchet avait pu savoir, sans doute, que ce prélat n’agréait pas sincèrement l’incorporation de l’Est à la République, puisqu’il se refusa, peu après, à étendre sa juridiction spirituelle sur les prêtres de la partie occidentale, en prétendant qu’il n’avait été institué que « pour la colonie espagnole. » L’archevêque persévéra pendant près de deux ans dans ces fâcheuses dispositions : nous dirons plus tard ce qu’il fit ensuite. En outre, la mission évidemment politique qui avait été confiée à M. de Glory, en 1821, par la cour des Tuileries, d’accord avec la cour de Rome, la tournure qu’elle avait prise au Port-au-Prince,

  1. Voyez, du reste, au tome 2, p. 139 ; comment B. Blanchet et son frère, le général Blanchet jeune, souffrirent des persécutions des blancs colons de la Grande-Anse, parce qu’ils étaient mulâtres.