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eux. Cet officier ne suivit pas cette injonction, par la raison qu’il dut attendre ce que déciderait le gouverneur Donzelot.

À l’arrivée de l’Utile à Fort-Hoyal, ce gouverneur jugea naturellement qu’il ne pouvait être sourd aux cris de détresse poussés par les colons français de Samana, dans le moment où cette presqu’île allait infailliblement passer au pouvoir des Haïtiens. Par le brig de guerre venu au Port-au-Prince à la mi-janvier, il était informé de la prochaine entrée de Boyer sur le territoire de l’Est. S’il s’était borné à vouloir seulement enlever ces colons et leurs familles, pour les porter dans les îles françaises, rien n’eût été plus conforme à ses devoirs. Mais, en combinant ses mesures avec l’amiral Jacob, celles qu’ils prirent décelaient une arrière-pensée.

Ils ne pouvaient raisonnablement s’emparer de la presqu’île « au nom de la France, » puisqu’elle était censée être toujours une portion de la colonie espagnole insurgée alors contre sa métropole. La France étant l’alliée de l’Espagne, c’était donc au nom de cette dernière puissance que le gouverneur et l’amiral voulaient agir. À cet effet, le drapeau royal espagnol devait être rétabli sur la presqu’île ; et, dans la juste crainte que les indigènes de ce lieu ne voulussent imiter ceux du reste de l’Est en se soumettant à la République, il fallait des forces de débarquement pour soutenir l’entreprise. En conséquence, le vaisseau le Jean-Bart, monté par l’amiral Jacob ; les frégates l’Africaine et la Junon, la corvette l’Aigrette, les goélettes l’Hirondelle et l’Utile, furent disposées pour aller se réunir à la Duchesse-de-Berry et au Silène dans la baie de Samana. La corvette le Tarn partit en même temps que les autres navires : elle avait à son bord quatre cent quinze hommes d’infanterie