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l’ayant fait appeler aux fonctions de juez de lettras, ou juge en première instance de toutes les affaires civiles, les jugemens qu’il rendait étaient sujets à appel à l’audience royale de Puerto-Principe de Cuba. Or, malgré son intégrité et l’impartialité qu’il mettait dans ses décisions, un de ses justiciables dirigea contre lui une prise à partie qui fut portée à cette cour souveraine, dans la même année 1821 où tout marchait dans l’Est vers une révolution. Quoique connu particulièrement à Puerto-Principe où il avait jadis exercé les fonctions d’avocat-rapporteur près de l’audience, Nunez se voyait menacé d’aller s’y défendre et peut-être d’y être condamné : de là sa résolution prise de précipiter la déclaration de l’indépendance de l’Est, et il devint le chef du complot qui s’ourdissait. Dans ces entrefaites, le gouverneur Kindelan fut remplacé par le général Pascual Real qui n’en avait pas la vigueur. Nunez put conspirer plus à son aise. Mais tandis que la plus grande partie de ses concitoyens inclinaient pour la réunion de l’Est à la République d’Haïti, sa fierté castillane le portait à vouloir y ériger un État indépendant qui ne ferait avec elle qu’un traité d’amitié, d’alliance et de commerce. Néanmoins, reconnaissant la faiblesse de la population et de ses moyens d’action, il conçut en même temps l’idée de faire entrer le nouvel État dans la Confédération de la Colombie, formée définitivement en 1820 par Bolivar, avec la République de Venezuela et celle de la Nouvelle-Grenade[1].

L’idée de Nunez n’était évidemment que l’égarement

  1. Le 11 décembre 1819, Venezuela et la Nouvelle-Grenade furent réunis sous le nom de République de Colombie ; le 12 juillet 1820, le congrès de Cuenta sanctionna leur union. En 1831, la dissolution de cet État eut lieu, et trois républiques se formèrent alors de leurs départemens : Venezuela, la Nouvelle-Grenade et l’Equateur. Nunez de Cacérès contribua beaucoup à cette dissolution, lorsqu’il quitta Santo-Domingo et se réfugia à Caracas, on il devint journaliste et secrétaire du général Paèz.