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d’eau, tout est réuni dans la citadelle Henry, construite avec tout l’art possible[1] Un immense dépôt de fusils et d’autres armes, de boulets, de bombes, d’obus, de poudre, etc. en faisait le lieu presque unique d’approvisionnement de tous ces objets de guerre, pour le peuple haïtien, disait le tyran, en cas d’invasion du territoire par une puissance étrangère, par la France principalement, en vue de laquelle la forteresse fut d’abord construite. Raisonnant toujours ainsi, il s’autorisait à la continuation de ces ouvrages gigantesques pour le pays ; mais au fait, il y trouvait un moyen d’oppression pour satisfaire à son goût de domination absolue.


On a beaucoup vanté l’état prospère du royaume de Christophe, parce qu’il vendait de grandes quantités de denrées au commerce étranger : du sucre, du coton, du café. Mais comment obtenait-il ces produits ? Aux dépens du peuple entier qui était effectivement misérable. Ayant choisi pour ses châteaux royaux les plus belles propriétés rurales des anciens colons, il y faisait réunir, contre leur gré, de nombreux cultivateurs pris de toutes les autres, qui y travaillaient en ateliers sous un régime plus dur que dans l’ancien système : il fallait bien qu’il obtînt des résultats étonnans, qu’il eût des denrées à vendre, afin d’augmenter son trésor, d’entasser des sommes considérables en numéraire[2]. Avec elles, il se procurait de

  1. Le tremblement de terre de 1842 a lézardé presque toutes les voûtes et les murailles de la citadelle. Sur la même chaîne de montagnes où elle a été élevée, se trouvait la maison appelée le palais du Ramier  : de l’a on découvrait les montagnes du Dondon, de la Marmelade, la plaine du Nord, etc. Quatre blockaus de grande dimension l’entouraient et le reliaient à la citadelle.
  2. Si l’on ajoute foi aux renseignemens fournis par un agent consulaire de France au Cap-Haïtien et pris sur les lieux, en 1819, on aurait exporté de ce seul port, le principal du royaume de Christophe : 1,200,000 livres de sucre ; 18,500,000 livres de café ; 200,000 livres de cacao : 2,000,000 livres de coton ; 300,000 livres de tabac ; 230,000 d’acajou