Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/425

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tèrent à son retour à la fin de mars, pour le complimenter de ses succès. Mais, en acceptant leurs complimens, Boyer déclina les honneurs de ce triomphe inopportun, en leur disant que la pacification de la Grande-Anse était, de sa part, l’accomplissement d’un devoir envers la République, et qu’en ramenant à son giron des malheureux qui avaient été si longtemps égarés, c’étaient des citoyens, des frères de la même famille qu’il rendait à la société, non des ennemis qu’il avait vaincus[1].

Le bon sens, le patriotisme s’alliaient à la modestie dans cette réponse si digne d’un chef d’État républicain ; mais, plus on avait compté sur l’acceptation de ces honneurs par un homme qu’on savait animé de l’amour de la gloire, qu’on disait même très-vaniteux, plus la déception fut grande. On crut voir une désapprobation, une censure dans ce refus si bien motivé, tandis qu’en réalité il n’y avait eu qu’une démonstration mal avisée de la part des citoyens de la capitale.

Quelques jours après, au commencement d’avril, ses commerçans nationaux allèrent en corps présenter au président, un long mémoire où ils exposaient des considérations étendues sur le Commerce et l’Agriculture du pays ; ils y proposaient des mesures à prendre pour faire fleurir ces deux branches de la fortune publique, et ces mesures étaient indiquées de manière à en faire autant d’articles d’une loi que le mémoire, fort bien rédigé, provoquait du gouvernement[2]

  1. Aux Cayes, où on lui érigea aussi un arc de triomphe sur le pont à l’entrée de cette ville, il avait fait les mêmes observations ; mais il avait été forcé de passer sous ce monument, tandis qu’au Port-au Prince, il put éviter celui qui fut érigé, vu la nature des lieux.
  2. Ce mémoire fut publié in extenso dans l’Abeille haïtienne du mois d’avril, et nous nous ressouvenons qu’à cette époque, on en attribuait la rédaction à Milscent. Deux années auparavant, il avait engagé Boyer à s’entourer d’un conseil d’État ; il y trouvait une occasion de formuler d’autres idées.