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déclara énergiquement : « que le général Boyer seul pouvait être le successeur de Pétion, et que si le Sénat ne le nommait pas, il se mettrait à la tête des troupes pour le proclamer. »

Cette épée de Brennus, jetée ainsi dans la balance des destinées d’Haïti, décida de la question. Néanmoins, à l’honneur du courage civil, Larose contraignit ses collègues à reformer le bureau du Sénat. Panayoty fut élu président, et Lamothe, secrétaire. À l’unanimité des onze scrutins sortis de l’urne, le général Boyer fut élu Président d’Haïti  : à 10 heures, les canons placés devant le palais du Sénat annoncèrent cette élection.

Si le respectable sénateur Larose vit son opinion personnelle contrariée, il fit néanmoins une œuvre de bon citoyen, de judicieux sénateur, en se ralliant à l’opinion de ses collègues, moins par la crainte que lui inspiraient les paroles de Gédéon, — car il montra toujours une grande fermeté d’àme en toutes circonstances, — que pour consolider la stabilité de la République par son vote. Il était important, en effet, que le scrutin présentât cette unanimité de la part du Sénat, pour interdire toute velléité d’opposition au nouveau chef de l’État, parmi les militaires et les citoyens qui avaient désiré un autre choix.

Quant au général Borgella, qui était peut-être l’unique candidat que ceux-là avaient en vue, il n’ambitionnait pas la présidence ; car, outre qu’il eût conçu des craintes sur la maladie de Pétion et qu’il eût persisté à retourner sur son habitation, malgré l’invitation de rester au Port-au-Prince que lui fit l’illustre malade, lorsqu’il reçut la dépêche du général Boyer qui l’engageait à y revenir, il ne se pressa pas. Parti de Cavaillon le 31 mars, il s’ar-