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quérir une instruction supérieure[1]. Il commença sa carrière à 21 ans, à cet âge où l’effervescence des passions nuit au progrès de l’expérience ; mais, doué aussi d’un esprit méditatif et d’une vue étendue, il fit la sienne promptement. Armé pour aider à la conquête des droits politiques de sa classe, il le fut aussi pour le triomphe des principes de la révolution métropolitaine dans la colonie, lesquels pouvaient seuls assurer ces droits. Au premier combat où il se trouva, il fit prévaloir, par sa modération généreuse, un principe du droit des gens en sauvant la vie à un officier ennemi, au milieu du carnage de la guerre ; et si dans les rangs de sa classe, des esclaves se mêlèrent à titre d’auxiliaires, sous le nom de Suisses, on le vit concourir à garantir l’affranchissement de ces hommes après un service de peu de durée, et protester ensuite énergiquement contre la violation des conventions conclues à cet effet. Ces premiers actes de sa carrière le placèrent si haut dans l’opinion de son parti, que les plus anciens parmi ses chefs subirent l’influence de ce jeune homme et s’honorèrent en l’appelant dans leurs conseils, — que les colons eux-mêmes l’accueillirent avec l’empressement d’une estime fondée sur sa belle action envers l’officier de leur parti, quand il s’agissait de traiter de la paix du 23 octobre 1791, appelée Concordat.

Ainsi, dès cette première phase de la révolution coloniale, on pressent, par le point de départ de Toussaint et par celui de Pétion, par l’objet qu’ils ont en vue, quelle sera la conclusion logique à laquelle l’un et l’autre arriveront, s’ils obtiennent du succès dans leur carrière.

On reconnaît que Toussaint est dominé par les idées

  1. Voyez l’ouvrage de M. Saint-Remy, intitulé Pétion et Haïti, pour connaître l’enfance et la jeunesse de Pétion, et les brutalités dont son père l’accabla.