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deux hommes de génie apparurent parmi ceux de la race noire : Toussaint Louverture et Alexandre Pétion. Comparons entre eux ces deux descendans de l’Afrique ; mettons en regard le point de leur départ, l’objet qu’ils ont eu en vue, leurs procédés, l’influence que leurs systèmes de gouvernement et d’administration ont exercée sur les destinées de leur pays. Ce parallèle, si nous le saisissons bien, sera d’une haute importance au point de vue des intérêts d’Haïti et de la race africaine tout entière, de la vraie politique, et de la morale qui en est la base la plus solide.


Toussaint, né dans la malheureuse condition de l’esclavage, initié aux premiers élémens des connaissances humaines, a commencé sa carrière à 48 ans, avec l’expérience que donne un tel âge et que son esprit méditatif lui acquit encore par ses observations sur la société coloniale. Tout atteste qu’il fut un instrument, — intelligent toutefois, — dans les mains de Blanchelande et des colons contre-révolutionnaires, pour soulever les ateliers d’esclaves, afin de comprimer la révolution dans la colonie de Saint-Domingue, et de réagir sur celle de la métropole. Aussi voulut-il, peu après, borner le triomphe de ses frères, à la seule conquête de l’affranchissement des 50 principaux de leurs chefs, y compris lui, — à l’abolition de la peine du fouet, — à obtenir trois jours par semaine pour travailler à leur profit ; — mais à la condition du maintien de leur esclavage[1].

Pétion, né dans la classe qui possédait seulement la liberté civile, d’un père qui ne l’aimait pas, ne put ac-

  1. Voyez pages 228 et 285 du 1er volume de cet ouvrage.