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payer des tributs honteux aux faiblesses humaines. Il se lança dans la carrière militaire, où sa bravoure et ses talens lui ouvrirent le chemin des honneurs…

Ombre révérée, si tu dédaignas ces lauriers ensanglantés ; si la conquête des cœurs te parut le seul triomphe digne de toi, ne crains pas que je profane ton auguste nom et te ravisse cette gloire pure qui ne coûta jamais de larmes à l’humanité : l’univers la publiera !…

O toi, qui es ravi à notre amour et à nos vœux, mais dont l’âme sublime s’est élevée vers cette Essence divine dont elle émane, du sein de l’immortalité daigne encore fixer tes regards sur nous. Couvre-nous de tes aîles protectrices. Éclaire celui que tu as désigné pour nous conduire. Inspire-lui cet amour de la patrie qui embrasa ton cœur. Fais que, comme toi, toute sa sollicitude ne tende qu’au bonheur du peuple, sans lequel ceux qui le gouvernent n’en peuvent goûter de véritable[1]. Fais fructifier tes vertus sur cette terre chérie, afin que le voyageur qui y abordera (quand la génération qui succédera à celle-ci sera remplacée par une autre), dise, en voyant les heureux effets de tes exemples : « Ici vécut un bienfaiteur de l’humanité ; les lois, qui font le bonheur et la grandeur de cette nation, sont dues à son génie. »

« Pères et mères de famille, vieillards, et vous, intéressante jeunesse, l’amour et l’espoir de la patrie, n’ou-

  1. Au 3 avril où Hérard Dumesle prononça son discours, on savait aux Cayes l’élection de Boyer à la présidence. Le 8, H. Dumesle lui écrivit pour l’en féliciter ; nous n’avons pas vu sa lettre, mais son discours dit assez ce qu’il a dû lui écrire. Le 13, Boyer lui répondit en lui exprimant sa reconnaissance au sujet des félicitations qu’il lui avait adressées, et lui dit qu’il avait juré de maintenir et de faire respecter les droits et l’indépendance du peuple haïtien ; qu’il comptait sur l’assistance de tous les vrais amis de la patrie, de ceux qui trouvent leur bonheur particulier dans la félicité publique, et qu’il serait toujours disposé à recevoir de leur part, les avis que leur amour du bien public leur dictera. (J’ai la copie de la lettre de Boyer.)