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de reproches, et Piar menaça de le faire arrêter et juger : ce qui l’indigna et le porta à se rembarquer et à revenir à Haïti[1].

Ayant si loyalement rempli les promesses qu’il fit à Pétion, relativement aux esclaves, Bolivar ne pouvait qu’en, recevoir de nouveau on accueil distingué, quoi qu’en ait dit Ducoudray Holstein, qui a écrit l’histoire de sa vie. Pétion savait que tout militaire est sujet à des revers, et que le principe de la liberté générale, une fois proclamé dans le Venezuela, porterait nécessairement son fruit.

Le 9 octobre, en apprenant l’élection à vie du président, il lui adressa une lettre des plus flatteuses où il rendit justice à ses hautes qualités gouvernementales : « Votre Excellence, lui dit-il, possède une faculté qui est au-dessus de tous les empires, celle de la bienfaisance… Il n’y a que le Président d’Haïti qui gouverne pour le peuple : il n’y a que lui qui commande à ses égaux. Le reste des potentats, contents de se faire obéir, méprisent l’amour qui fait votre gloire… Le Héros du Nord (Washington) ne trouva que des soldats ennemis à vaincre, et son plus grand triomphe fut celui de sa propre ambition. Votre Excellence a tout à vaincre, ennemis et amis, étrangers et nationaux, les pères de la patrie, et jusques aux vertus de ses frères. Cette tâche ne sera pas la plus difficile pour Votre Excellence ; car elle est au-dessus de son pays et de son époque… »

  1. Bolivar n’oublia pas l’offense que lui avait faite le général Piar. Après que celui-ci eut fait la conquête de la Guyane et pris possession de la ville d’Angoslura, en juillet 1817, Bolivar s’y rendit. Le 16 octobre, il fit fusiller Piar, qui fut accusé, étant mulâtre, de vouloir établir une République de noirs et de mulâtres dont il aurait été le président. Nous ne savons pas si cette accusation était fondée ; mais Bolivar émit à cette occasion, une proclamation où il exprimait le regret d’avoir été contraint à cet acte de sévérité.