Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce temps malheureux ne sentissent plus que le besoin de l’oubli du passé, en suivant l’exemple tracé à tous par le chef de l’État[1].


Ce n’était pas envers les Haïtiens seuls que Pétion manifestait ses nobles sentimens. Au moment où le sénat rendait sa décision sur la demande de Daumec, le président prenait des mesures qui devaient décider du sort d’une grande partie de l’Amérique méridionale, déjà en guerre avec l’Espagne pour parvenir à sa complète indépendance de cette métropole.

Après des revers récidives et des fautes personnelles, le célèbre Simon Bolivar était arrivé aux Cayes dans les derniers jours de décembre 1815, venant de la Jamaïque où il avait passé quelque temps dans une inaction forcée. Il précéda le commodore Aury et son escadre, qui s’y rendirent le 6 janvier, ayant évacué la ville de Carthagène : les troupes espagnoles s’en emparèrent après un siège de plusieurs mois qui avait occasionné aux indépendans les plus grandes privations. Cette escadre, composée de dix navires, amena aux Cayes les principaux chefs de Venezuela et de nombreuses familles, tous manquant des choses de première nécessité[2]. Le général Marion, com-

  1. C’est au moment où ces petites querelles avaient lieu, que Dupré en eut une aussi qui occasionna sa mort, le 13 janvier, dans un duel. Ce triste résultat excita des regrets universels ; et l’adversaire de cet infortuné s’honora en le déplorant également. Le théâtre du Port-au-Prince resta fermé depuis lors ; on n’eut plus cette récréation décente où des sujets nationaux étaient représentés sur la scène : — la Mort de Lamarre, le Miroir, Odéide ou la Honte d’une mère, et bien d’autres pièces tirées du répertoire français.

    Ce regrettable duel fut un des derniers de ce temps-la. De 1807 à 1812, ils étaient fréquens au Port-au-Prince, surtout entre les officiers de l’armée : chacun devenant propriétaire alors, on renonça peu à peu à cet usage barbare.

  2. Parmi les chefs vénézuéliens, on distinguait les généraux Marino, Bermudes, Piar, Palacios et Mac-Grégor, le colonel Ducoudray-Holstein, l’intendant Zéa, les deux frères Pineres les commodores Louis Aury et Louis Brion, et le père Marimon que Pétion plaça