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Bordeaux par Pétion, qui aurait été même en correspondance à ce sujet avec le général Ferrand, mort depuis 1808[1].

Dans l’intervalle des interrogatoires, tous les sujets du Roi d’Haïti eurent la faculté d’aller voir l’espion français et de l’interroger à leur tour. C’était une véritable torture morale infligée à ce malheureux : il fut ensuite condamné à mort.

Mais, afin de prolonger son agonie, Christophe inventa un nouveau supplice. Il fit mettre une tenture de deuil dans l’église du Cap[2]. Franco de Médina y était placé sur une estrade élevée, pour être mieux vu de la foule des assistans. Il entendit un Te Deum et une messe de Requiem que chanta avec pompe l’archevêque Corneille Brelle, duc de l’Anse. Le cercueil destiné en apparence à recevoir le corps du condamné figurait à côté de lui. Le Roi, la Reine, la famille royale, toute la noblesse du royaume, les fonctionnaires publics et les troupes assistèrent à cette bizarre cérémonie religieuse.

Après un sermon sur la circonstance, Corneille Brelle lut au peuple les instructions du ministre français, en les accompagnant de remarques propres à l’éclairer [3]. Le chevalier Prézeau lut le rapport du conseil de la nation, et le baron Vastey, une réfutation de la lettre de D. La-

    affaires d’intérêt : dans les relations des faits passés en 1810, à l’occasion de la scission du Sud. Il a été fait mention de son absence du pays a cette époque. — Tome 7 de cet ouvrage, page 364, dans une note.

  1. On peut se rappeler l’usage que Pétion fit d’une lettre qu’il reçut de ce général, en 1807. Voyez tome 6, page 545.
  2. Cette tenture de deuil était une parodie de ce que fit le cruel Rochambeau, dans un bal qu’il donna au Port-au-Prince, en 1803.
  3. Corneille Brelle, prêtre français, dut prévoir en ce moment sa propre immolation par une mort entourée de circonstances aussi effroyables ; car il fut condamné quelque temps après à périr de faim dans un cachot.