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française ; proposer en même temps le rétablissement des relations commerciales entre la France et Haïti, source de richesses pour la première, et une indemnité pour les biens fonciers de ses anciens colons, afin de les désintéresser dans toute guerre contre la seconde, de faire cesser leurs plaintes et leurs criailleries [1] : c’était de la part de Pétion, faire acte de prudence gouvernementale, et espérer tout de la sagesse du gouvernement français et du concours de l’opinion publique, en France même et en Europe ; et l’on verra bientôt qu’il ne se trompa point.

Quant aux considérations relatives à la situation intérieure d’Haïti, le Président de la République ne pouvait méconnaître non plus que, depuis son indépendance, le gouvernement de Dessalines et la guerre civile existante avaient entravé la marche de la société vers la civilisation ; que dans l’actualité, il s’opérait une grande transformation dans les idées du peuple, par la distribution, le partage des biens des colons formant le domaine national, par la possibilité donnée à chaque citoyen d’acquérir de l’Etat une portion quelconque de ces biens, à cause du bas prix auquel ils étaient estimés par l’administration.

Les officiers de l’armée, depuis le général jusqu’au sous-lieutenant ; les militaires invalides, les fonctionnaires et employés publics de tous rangs, les gérons et conducteurs d’habitations rurales, etc., étant devenus concessionnaires et propriétaires ; les simples citoyens, acquéreurs et propriétaires également : toute la portion notable de la nation avait ainsi un grand intérêt au maintien de la tranquillité publique, à obtenir la paix extérieure tout

  1. Expressions de l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène. Voyez la note mise à la page 82 du 1er volume de cet ouvrage.