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sager une prompte évacuation et la levée du siège par Christophe. Averti, il quitta Saint-Marc sans délai et vint à Drouillard à toute bride : le 14 il s’y trouvait. Il en était temps, car le reste de son armée manifestait déjà des dispositions à imiter ce qui venait d’avoir lieu. Il y convoqua ses généraux en conseil de guerre, et ils décidèrent avec lui d’évacuer dans la nuit du 14 au 15. N’ayant pas trop foi dans ses troupes, il repartit immédiatement pour Saint-Marc, en laissant le commandement supérieur au général Martial Besse, l’un de ses grands maréchaux : il lui ordonna de faire sacrifier les prisonniers faits à Santo et à Sibert, au nombre d’environ 200 : ces infortunés militaires furent tués aux Sources-Puantes[1].

Dans les nuits du 12 au 13, du 13, au 14, il y eut de nombreuses désertions parmi les troupes contenues dans la fidélité à leurs drapeaux, par la discipline sévère du Nord. Le 13, le Président d’Haïti se porta au fort Lamarre, avec sa garde à pied et à cheval, pour recevoir les troupes qui se joignaient aux siennes.

Leur entrée en ville, par la porte Saint-Joseph voisine du fort, eut lieu avec toute la solennité militaire en pareil cas, et tout exceptionnelle dans cette circonstance. Ce n’étaient pas des vaincus d’une place assiégée, sortant en présence des vainqueurs ; c’étaient des frères, des compagnons d’armes, abjurant un gouvernement détesté autant que détestable, renonçant à servir ses passions, sa haine, son despotisme infâme, sa cruelle tyrannie,

  1. On s’accorda généralement à dire, à cette époque, que Christophe était consterné, abattu, par ce revers inattendu. Il est certain du moins que la politique de Pétion lui parut plus redoutable que jamais, parce qu’il ne put ou ne voulut pas s’avouer à lui-même, que ses cruautés étaient la seule cause du mécontentement de ses troupes.