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cile ! L’un d’eux fut poursuivi et condamné par le tribunal criminel. Le siège survenant, la police ne pouvant s’exercer comme auparavant, les fabricans (la plupart militaires) se plaçaient dans les quartiers les plus fréquentés par les boulets ; et là, on entendait a tout moment le bruit du marteau sur l’enclume. C’était le jour, pendant la canonnade, que ces fabricans se livraient à ce travail, où ils empiétaient sur le droit du gouvernement ; mais la nuit, ils étaient autour des remparts pour le soutenir contre l’ennemi : c’était une compensation. Toute la vieille argenterie des habitans passait ainsi au creuset, où elle s’alliait démesurément avec du cuivre ; et ces habitans finirent par être de compte à demi avec les orfèvres improvisés : de cette manière, les associés se tiraient d’embarras avec la cherté des comestibles, vu la présence de tant de troupes. À la fin, la dépréciation inévitable des d’haïtis fut telle, qu’il fallait une forte somme pour l’achat de n’importe quoi.

Un jour, le commandant J.-J. Saint-Victor Poil, chef de la police, surprit un individu en flagrant délit de fabrication ; il l’arrêta et le contraignit de porter toutes les pièces à conviction saisies sur les lieux : c’étaient une petite enclume, des marteaux, un chaudron en cuivre, etc., et il le fit conduire avec ce singulier attirail pardevant le Président d’Haïti. En passant près du magasin de l’État, où se faisait la distribution journalière des rations aux troupes, ce malheureux devint l’objet de la risée des soldats, plutôt pour s’être laissé prendre en flagrant délit, que pour le crime de fabrication de fausse monnaie. Une grande partie d’entre eux le suivirent à la loge, en se moquant de lui, même en présence de Pétion, qui ne put s’empêcher de rire aussi, en comprenant leur pensée