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aussi. S’adressant à ce corps, Borgella demande à ses anciens soldats s’ils se rappellent le temps où il était à leur tête ? Ces simples paroles suffirent pour les animer : leur chef de bataillon Bontemps les rallia à cette voix si connue d’eux tous, et ils suivirent leur général escorté de son vaillant adjudant-général, en marchant droit au poste où la brave 11e se défendait à outrance : les soldats ennemis tentaient déjà d’arracher les pieux formant le rempart.

Le fusil à la main[1], Borgella pénétra dans le poste ; il ne se contenta pas de tirer comme ses soldats, il monta sur le rempart. À cette action téméraire, 11e et 15e se confondent, officiers supérieurs et inférieurs se mêlent, et tous ensemble chassent l’ennemi qui rentre dans le poste de Bussy. Alors, Guerrier fait jouer les canons, à boulets et mitraille ; mais il avait échoué pour la première fois dans cette fameuse journée. Inutile de dire que Borgella fut arraché du rempart où il avait monté, par la sollicitude de ses aides camp et même des soldats : le moment était décisif, il fallait ce trait de courage audacieux.

Toutes les troupes sous ses ordres surent bientôt qu’elles avaient à leur tête un général capable de le renouveler, si cela était nécessaire. Dès ce jour, Bauvoir conçut pour lui cette haute estime qu’il lui conserva toute sa vie ; il se connaissait trop en bravoure, pour ne pas admirer cette qualité guerrière en son chef actuel. Néret, qui dut la conservation de son poste à l’exemple qu’il traça à ses soldats, ne lui en accorda pas moins[2].

  1. C’était un fusil espagnol, garni en argent.
  2. J’ai été témoin des éloges adressés à Borgella, à cette occasion, par divers officiers de la 11e notamment le brave Boulonnais.