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Mais les officiers, émus du danger qu’il eût couru comme eux, si la bombe avait éclate, lui représentèrent qu’il était convenable de quitter le palais pour habiter une maison de la ville où il serait plus en sûreté ; il se moqua d’eux. En peu d’instans, on apprit cette particularité en ville, et des fonctionnaires publics, des citoyens se rendirent au palais pour l’engager à s’en retirer ; le sénateur Larose réussit mieux à l’en persuader[1]. C’est alors qu’il alla habiter le local de la loge des francs-maçons, désignée sous le nom de l’Amitié des Frères réunis, près du magasin de l’État[2]. On y éleva encore, dans la cour, à l’est, une sorte de rempart en sacs remplis de terre ; mais Pétion se tenait incessamment dans les lucarnes de la maison, une longue-vue à la main, pour observer les postes de la ligne extérieure sur le morne l’Hôpital ; et, certes, à cette hauteur qui dominait le rempart, il n’était pas à l’abri d’un boulet, pas plus que lorsqu’il allait visiter les fortifications de la place.

Au fort du Gouvernement, une bombe de l’ennemi éclata et tua le chef de bataillon d’artillerie Petit-Breuil ; et un jour que le général Borgella était dans son hamac, se reposant des veilles de la nuit, un boulet vint traverser le corps de garde où il était ; des éclats d’une poutre le frappèrent à la tête et lui firent une blessure, heureusement légère. Au fort National, le général Lys venait

  1. Le palais et ses dépendances furent criblés de boulets : on ne passait pas dans les cours, pendant la canonnade, sans courir de grands risques. Nos soldats, toujours plaisans, donnèrent le nom de rat-de-caze aux boulets qui brisaient les maisons ; les bombes étaient appelées sofis, ainsi que les obus. Ils désignaient l’une des batteries ennemies au nord de la place, par le nom de Malfini, parce que ses boulets tombaient comme à l’improviste, de même que cet oiseau de proie du pays, quand il prend une poule, une volaille quelconque.
  2. Pétion ne voulut jamais faire partie de cette société dont il plaisantait souvent les membres : il eut l’occasion de les plaisanter encore par les emblèmes peints sur les murs de leur temple.