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solurent l’évacuation du fort, pour tenter de traverser les troupes ennemies et gagner la Croix-des-Bouquets ou la Coupe, afin de rentrer au Port-au-Prince par la montagne à laquelle cette ville est adossée.

Cette évacuation s’opéra d’abord assez heureusement, vers 8 heures du soir, par une nuit obscure où il pleuvait ; mais un tambour heurta contre une branche d’arbre et donna le premier éveil aux ennemis qui étaient le plus près. Aussitôt, ils se mirent à la poursuite de nos gens ; nos blessés, abandonnés, poussèrent des cris : ce fut alors un sauve-qui-peut épouvantable. Le brave Métellus, qui avait acquis non-seulement de l’embonpoint, mais de l’obésité, ne put marcher dans cette déroute, quoique assisté du vaillant Morisset, son aide de camp, chef d’escadron, et des autres officiers de son état-major : il étouffa entre leurs mains et termina ainsi sa glorieuse carrière, parcourue en tout temps au service de la liberté de ses frères. Ce fut une perte pour la République, et Pétion la ressentit vivement. Il fallut abandonner ce cadavre gisant par terre, aux insultes d’un ennemi impitoyable ![1]

Bergerac Trichet, les colonels Néret, de la 11e, Jean Dugotier, de la 25e, et Jérémie, commandant les gardes nationales de Jacmel et de Baynet, presque tous leurs of-

  1. En 1819, quand je dépouillai les papiers pris dans la retraite de Goman, je trouvai une lettre que lui écrivit Christophe, où il lui rendait compte du résultat de la bataille de Santo et de l’évacuation du fort de Sibert. En lui parlant de la mort de Métellus, son secrétaire avait d’abord écrit : « Métellus, le bras droit de Pétion, est mort. » Ces deux mots furent effacés et remplacés par ceux-ci : a mordu la poussière. Le général Borgella reconnut que cette lettre avait été écrite par Prézeau, qui était son cousin. En 1820, après la mort de Christophe, Prézeau étant venu avec lui au Port-au-Prince, je lui parlai de cette lettre et lui demandai pourquoi il avait changé l’expression ; il me répondit : « C’est le Roi qui me l’ordonna ; il aimait ces sortes d’expressions ; il me dit : Écrivez, a mordu la poussière. » Cette même lettre disait à Goman, qu’on avait pris le chapeau galonné du général Boyer.