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apportait ; mais il fut heureux qu’elle vînt sitôt convaincre les esprits dans le Sud, de l’urgence de la fraternelle réconciliation qui venait de s’opérer. Le danger commun allait cimenter l’union entre les citoyens des deux départemens, en les réunissant sur le même champ de bataille. À son insu, Christophe servait ainsi la cause de la République, de même qu’il l’avait servie, en envoyant sa députation au Port-au-Prince au moment de l’entrevue du Pont-de-Miragoane, et qu’il venait encore de la servir, par ses étonnantes instructions au général Magny. Les tyrans sont souvent dupes de leur perversité.

Il n’y avait pas de temps à perdre dans l’actualité. Le président fit appeler les officiers généraux présens aux Cayes, et leur communiqua la nouvelle transmise par Lerebours, en leur ordonnant de se tenir prêts à partir avec lui pour le Port-au-Prince, excepté Wagnac et Vaval qui durent rester aux Cayes et à Aquin.

Pétion donna le même ordre aux troupes de l’Ouest venues avec lui ; mais il voulut que ce fût le général Borgella qui commandât à celles du Sud de marcher au Port-au-Prince : nouveau trait de délicate convenance envers celui qui venait de prouver qu’à ses yeux, la patrie était plus chère que le pouvoir. Et quels égards, quelle considération ne témoignait-il pas, par cet acte, aux idées et aux sentimens des citoyens du Sud ! Qui, parmi eux, après cela, pouvait encore garder au fond du cœur, le moindre vestige de rancune contre le chef de l’État. ?[1]

Nous ignorons si le général Bonnet était déjà parti

  1. Une partie de la garde nationale du Sud vint coopérer aussi à la défense du Port-au-Prince. On distinguait E. Berret à la tête de celle de Cavaillon : il mit un zèle sincère en cette occasion, et d’autant plus louable, qu’il avait adopté avec chaleur l’idée de la scission et qu’il l’avait défendue dans les conférences du Grand-Goave. Il était un intime ami de Borgella : c’est dire qu’il fut un citoyen estimable sous tous les rapports.