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le favori du président, et qu’on le croyait influent sur son esprit, on lui imputait une grande part dans ec dont on se plaignait, et cela suffisait pour lui attirer la haine de bien des gens[1]. Revenons à cette lettre du 19 mars.

Comment, en présence de l’ordre du jour du 18, qui recommandait l’oubli du passé entre des frères, qui excitait l’allégresse du peuple ; en présence de la sagesse du Président d’Haïti, de sa modération, obtenant la soumission du Sud sans effusion de sang, — ce qui réjouissait le cœur de Boyer, sans nul doute : comment a-t-il pu écrire à Pétion que ce qui faisait son bonheur, « devait nécessairement augmenter la confusion et la honte de ses ennemis ? » Comment a-t-il pu lui dire ensuite : « Soyez clément, mais soyez-le avec dignité ? » Boyer avait raison de terminer, par lui demander pardon de ses observations !

Mais l’Histoire, dans sa juste sévérité, ne peut lui pardonner ses instigations : elles étaient déplacées, comme sa propre rancune contre ses ennemis. Ce n’était pas là le devoir d’un ami du chef de l’État. On peut soutenir un gouvernement qu’on reconnaît convenable pour son pays, même celui qui ne l’est qu’à raison des circonstances qui dominent une situation ; on peut défendre le chef de ce gouvernement contre des attaques passionnées, mais il ne faut pas l’irriter. Nous verrons Boyer lui-même à l’œuvre de la réconciliation entre le Nord et la République, et nous lui décernerons alors les louanges qu’il mérita ; nous lui en décernerons bien d’autres ! mais en ce moment, à l’égard de celle du Sud, nous croyons qu’il

  1. En tous les temps, les favoris, ou même ceux qui passent pour tels, sont sujets à éprouver de la haine : haine injuste, surtout à l’égard de ces derniers. Et que dire, par rapport à ceux qui passent pour être des conseillers intimes !…