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que vous n’avez salue ni le général Borgella, ni le général Lys : ce sont vos chefs, veuillez leur témoigner le respect que vous leur devez. » Force fut à Lé veillé de s’exécuter, à ces paroles du chef de l’Etat qui maintenait l’autorité dans la personne de deux officiers de mérite[1].

Mais il eut pour le digne général Wagnac tous les égards, toute la considération qu’il méritait par sa conduite modérée, par les belles qualités de son âme. Dès le 14 mars, jour où Wagnac s’était prononcé en faveur de Pétion, cet officier général, en lui rendant compte des événemens passés aux Cayes, avait dit dans sa lettre : « J’ai une grâce à vous demander, président ; c’est de me donner la satisfaction de témoigner ma reconnaissance au général Borgella, qui m’a sauvé la vie en plusieurs reprises, ainsi qu’à beaucoup de vos amis, depuis qu’il a pris le commandement. Je vous prie, mon cher président, de lui être utile en cette circonstance.[2] »

Il eût suffi de ce beau sentiment exprimé si loyalement par le brave Wagnac, au moment même où il replaçait l’arrondissement des Cayes sous l’autorité du Président d’Haïti, pour que Pétion eût pour lui cette haute estime qu’il lui avait déjà accordée depuis 1806, et qu’il lui

  1. Comme il avait fait envers Sans-Souci, par rapport à H. Christophe.
  2. Le général Wagnac ne fut pas le seul qui témoigna des noble sentimens de Borgella : le juge de paix Salomon, dans une lettre postérieure aux événemens accomplis, en date du 1er novembre 1812, dit a Pétion :

    « Le général Borgella, plus juste, plus généreux, ou moins soupçonneux que le feu général Rigaud, m’a mis hors des cachots après bien des angoisses durant trois mois, et plus encore pendant l’assassinat de mes deux compagnons sus-nommés (le vieillard Coquille et Georges aîné). »

    Ces mots de réticence ne détruisent pas le fait, quoiqu’ils amoindrissent la première apprêciation de la justice et de la générosité de Borgella. Salomon était connu, comme Wagnac, sur être partisan de Pétion : si le général en chef du Sud le relaxa des cachots, c’est qu’il ne pensait pas que la persécution fût un moyen de gouvernement, et que chacun, au contraire, pouvait avoir ses idées et ses sentimens dans toute sa liberté.