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représentant ; s’ils ne savaient écrire, il fallait y suppléer par des coches doubles, l’une tenue par le propriétaire, etc., l’autre par le cultivateur. Enfin, la récolte étant achevée, les produits devaient être distribués par parts, selon le rang des cultivateurs, conducteurs, cabrouétiers, etc.

Toutes ces dispositions formaient une complication de mesures difficiles, ou pour mieux dire, impossibles à exécuter dans l’état où se trouvaient les habitations rurales, généralement gérées par des hommes illettrés : le cultivateur laborieux voyait souvent faire de plus grosses parts à des paresseux, ou à des camarades qui s’absentaient plus ou moins du travail des champs.

Ils en vinrent donc bientôt à se distribuer par familles, pour cultiver des portions de terrain distinctes : ce que facilitait le système de moitié. L’atelier fut dissous par cette pratique, le travail isolé remplaça le travail en commun, et l’égoïsme individuel l’emporta à la fin. Les produits diminuèrent, parce qu’il y a des travaux qui ne sont fructueux qu’à condition d’y réunir un certain nombre de cultivateurs. Ce résultat fut fâcheux, sans doute, mais comment l’éviter, lorsque les cultivateurs ne soupiraient qu’après leur indépendance personnelle ? N’était-ce pas déjà beaucoup obtenir d’eux, par le système de moitié, de rester, de travailler sur une habitation dont ils ne voyaient guère ni le propriétaire ni le fermier ?[1]

  1. Les propriétaires, les fermiers de l’État habitaient les villes, étaient fonctionnaires publics, et ils voulaient, en général, avoir des hommes pour cultiver les biens et leur rapporter du profit ; mais ces cultivateurs sentaient qu’ils étaient des hommes libres, des citoyens. Par son système, Pétion obtint une main-d’œuvre permanente, réglée, intéressée et économique.

    Nous trouvons les appréciations suivantes sur le métayage :

    « L’initiation a cette culture d’une famille de métayers, par le propriétaire, présente des chances de succès, et renferme une force d’expansion et de propagande bien supérieure a celle d’une population d’ouvriers conduite par un maître. Les métayers se fixent au sol pour