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goane, et les deux autres bâtimens étaient fort au loin sur les côtes. Eutrope la dirigea dans ce port où il fit connaître qu’il faisait défection avec son brave équipage, en faveur de la République : peu leur importait la scission du Sud, c’était à des républicains qu’ils se rendaient. Leur premier soin fut de débarquer à Miragoane, l’amiral et les officiers prisonniers pour les mettre en sûreté ; et les autorités de cette ville les accueillirent, comme des frères qu’on pouvait porter à embrasser la cause de la République.[1] Eutrope déclara qu’il serait facile de réunir la corvette et le brig à la frégate, attendu que le même mécontentement régnait à leur bord parmi l’équipage de ces navires.

La joie fut grande à Miragoane : les citoyens de toutes les classes, comme les autorités, témoignèrent à Eutrope et à son équipage les plus vifs sentimens de reconnaissance et de fraternité, pour leur audacieuse action qui privait Christophe de la principale force de sa marine. L’autorité militaire dépêcha immédiatement auprès du général en chef du Sud, pour lui annoncer cette heureuse nouvelle. Borgella se rendit de suite à Miragoane, emmenant avec lui les deux frères Gaspard et d’autres officiers de marine, et le colonel Bigot pour commander les troupes qu’il allait faire mettre à bord de la frégate, afin de mieux réussir à capturer les deux autres navires. Il fit un accueil cordial à Eutrope et à l’équipage de la frégate, dont il donna le commandement supérieur à Augustin Gaspard, secondé de son frère, Eutrope n’étant pas marin ; il eut aussi des égards pour l’amiral et ses officiers qu’il rendit à une pleine liberté et qui, touchés

  1. J.-B. Backer était commissaire général de la flotte et se trouvait à bord de la frégate ; il fut débarqué a Miragoane avec les autres officiers.