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adversaires, plutôt que ses ennemis, peut-être même à celui de ses amis qui avaient confiance en lui personnellement, mais qui pouvaient douter de l’efficacité de ses moyens.

Le premier de ces événemens heureux eut lieu sur les côtes du Sud. Une partie de la flotte de Christophe croisait dans ces parages : la frégate appelée la Princesse Royale Améthyste, la corvette l’Athénaïs, et le brig le Jason.[1] À bord de la frégate se trouvait le contre-amiral Jean Bernadine.

On peut juger de l’extrême sévérité qui régnait sur la flotte, par celle qui existait dans l’armée de terre. Des actes despotiques de l’amiral et de ses officiers, suscitèrent un mécontentement sourd parmi l’équipage de la frégate ; mais il fallait un chef pour en prendre la direction et le faire éclater. Ce chef se trouva dans la personne du commissaire aux vivres, objet lui-même de quelques tracasseries : c’était Eutrope Bellarmin, jeune homme de couleur et plein de bravoure. On prétend même qu’il avait formé le dessein qu’il exécuta, avant de partir du Cap. À un jour convenu entre les conjurés, à la fin de janvier, ils se rebellèrent contre l’amiral et ses officiers, comme par un mouvement électrique ; tout l’équipage y prit part et reconnut Eutrope pour son chef. Généreux autant que brave, celui-ci n’attribua qu’au système du gouvernement de Christophe, les rigueurs dont usaient l’amiral et les officiers ; il ne voulut pas que le sang fût versé, mais il les fit prisonniers et les mit dans l’impossibilité de tenter de reprendre leur commandement.[2]

En ce moment, la frégate était par le travers de Mira-

  1. La frégate portait le nom de la fille aînée du Roi d’Haïti, la corvette, celui de sa fille cadette, le brig, celui de l’un de ses généraux.
  2. Eutrope fut secondé en tout par Passeveau, autre jeune homme de couleur du Cap.