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conciliateur entre eux. Il ne put reconnaître non plus, que sa carrière politique et militaire était terminée en 1800 ; qu’après sa déportation en 1802, Pétion était devenu, à juste titre, le chef du parti qu’il avait dirigé et qui venait de créer la République d’Haïti ; que son ancien lieutenant étant en possession du pouvoir, il devait le seconder maintenant, loin de lui faire opposition sous des prétextes frivoles, en écoutant des hommes passionnés. Son caractère vain et présomptueux ne put le portera résister aux sollicitations de ces hommes ; il fut cause qu’il se méprit sur la signification de l’accueil qu’il reçut à son retour dans le pays. Cet accueil lui avait été fait, en ressouvenir de ses malheurs passés, pour compenser ses longues tribulations sur la terre étrangère, et il crut y voir l’expression de l’espérance qu’on fondait en lui, en ses talens : de là sa funeste idée de se saisir du pouvoir dans le Sud, peut-être avec l’espoir d’entraîner l’Ouest aussi, pour remplacer Pétion. S’il avait été moins vain, moins présomptueux, s’il avait eu plus de jugement, il eût attendu que le terme de sa présidence arrivât, afin de se poser en concurrent. La séparation qu’il opéra entre les deux départemens, dans la situation où il trouva le pays, fut encore une preuve de son manque de jugement ; et de quelque raison qu’il l’ait colorée, l’évidence du danger qu’il attirait sur le département du Sud, était pour ainsi dire palpable ; il n’y a qu’un esprit aussi léger que Rigaud qui pût la concevoir. Subissant l’influence des idées de localité, de la jalousie antérieure et surannée du Sud contre l’Ouest, ou plutôt les exhumant de la poussière des temps, il a laissé dans son département natal le germe qu’on y verra se développer plus tard, au grand désavantage du pays tout entier.