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séquent, un but moral : il fallait faire comprendre aux militaires, que leurs grades seuls ne leur donnaient pas droit à la concession délivrée au nom de la nation ; car autrement, e’eût été enflammer encore cette ambition vulgaire qui ne consiste qu’à porter des épaulettes, — irriter ce désir qui constitue une véritable maladie de l’âme : un bon législateur est semblable à un bon médecin. Néanmoins, cette disposition faisait pressentir ce qui est arrivé après, — que les autres officiers de grades inférieurs recevraient à leur tour des dons nationaux, pour les services rendus par eux à la patrie.

Il y a cette différence essentielle, entre les dons de la République et les fiefs de la Royauté de Christophe, que les premiers étaient irrévocablement acquis aux défenseurs de l’État qui les obtenaient, qu’ils pouvaient en disposer à leur gré, bornés seulement par la loi des successions, et sans jamais craindre la confiscation ; tandis que les seconds étaient acquis à titre précaire, pouvant retourner au domaine de la couronne, en cas qu’il n’y eût pas des enfans mâles légitimes et procréés réellement par les généraux anoblis. Ensuite, la confiscation pouvait arriver, non-seulement pour le fief, mais pour tous les autres biens particuliers, en cas de conspiration contre l’État ou le roi et sa famille, ce qui était tout un : or, S. M. ne se gênait pas pour porter de semblables accusations contrôles généraux dont Elle voulait se débarrasser. Cette différence résultait sans doute de celle qui existait entre les deux systèmes politiques : l’un établissant l’égalité, l’autre le privilège. Aussi, Pétion put-il dire avec raison, que les qualifications du Nord étaient éphémères : en lisant les actes y relatifs, il put juger que la monarchie de Christophe n’existerait que pendant sa vie.