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participer son ami, pour entraîner ensuite d’autres officiers de la garde et même le corps. Mais Desruisseaux lui dit que, non-seulement un tel projet contre le président était criminel au plus haut degré, mais qu’il lui devait trop de reconnaissance, pour s’armer jamais contre sa vie et son autorité ; il ajouta : « Puisque tu sais toute la trame qui s’ourdit contre lui, il faut que tu ailles avec moi l’en informer ; mais, sois tranquille, je ne lui avouerai pas que tu as essayé de m’y entraîner. » Boutte hésitait, et Desruisseaux lui dit : « Si tu ne veux pas al 1er avec moi, je te dénoncerai au président, comme complice, ayant tenté de me séduire ; car je préfère mon devoir à ton amitié. » Force fut donc à Boutte de se rendre auprès de Pétion avec Desruisseaux, qui agit comme il le lui avait promis, et Boutte dévoila toute l’affaire.

Pétion, connaissant les relations du général Delva avec Boutte Geffrard, écouta bien ce dernier, et dit à ces deux officiers de ne pas ébruiter ce qu’ils savaient, qu’il allait prendre des mesures pour ramener Delva à de meilleurs sentimens, s’il était possible ; mais il ne fut pas dupe de l’intérêt que Desruisseaux avait montré à son ami. Quelques heures après qu’ils furent sortis du palais, il le manda auprès de lui : « Je vous ai fait appeler, lui dit Pétion, pour vous féliciter doublement de votre conduite. Vous m’avez appris ce que je savais déjà ; mais vous avez fait votre devoir, et je vous en remercie. Je vous loue encore plus d’avoir sauvé Boutte du mauvais pas où il s’était engagé ; sans nul doute, il avait essayé de vous y entraîner avec lui, et vous l’avez contraint à venir me parler : je connais trop les hommes et ses relations avec le général Delva, pour