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sous son pouvoir absolu, s’étaient accoutumées, à tort ou à raison, à envisager le titre d’Empereur comme quelque chose de funeste[1] ; et d’ailleurs, il avait à sa cour présidentielle un homme (Juste Chanlatte) qui lui déclamait souvent les vers des grands poètes : or, cet acteur avait prononcé ceux-ci :


Il faut un nouveau nom pour un nouvel empire…
Le premier qui fut Roi fut un soldat heureux…


Roi fut donc le titre que Son Altesse Sérénissime préféra. Elle se ressouvint encore qu’en 1793 la ville du Cap eut, justement au mois de mars, un Roi et une Reine qui dominèrent au Carénage, l’une de ses sections[2].

À cet effet, le 26 du mois de mars, Christophe donna une fête au Fort-Liberté, où se rendirent avec lui sa famille et ses généraux et fonctionnaires publics. On y joignit un carrousel, à la manière des rois de France qu’on allait imiter. Madame la Présidente, à la tête des dames, avait le rang de Reine ; Monseigneur le Président, à la tête des hommes, celui de Roi. L’occasion de le proclamer Roi s’offrait naturellement ; d’un mouvement spontané, les chevaliers de la fête firent entendre les cris de : Vive le Roi ! Vive la Reine ! Ces titres demeurèrent aux deux époux, d’après ce jeu habilement combiné. Les troupes et la population de la ville, devenue le Fort-Royal, durent partager l’enthousiasme dont s’enivrèrent les hautes notabilités qui assistèrent à la fête ; le général

  1. Voyez à ce sujet, une appréciation du règne de Dessalines, publiée en 1816 par ordre ou avec l’assentiment de Christophe, dans la note placée à la page 189 du 6o volume de cet ouvrage.
  2. Voyez le 2e volume de cet ouvrage, page 403. Le mois de mars, consacré au Dieu de la guerre, convenait sous tous les rapports à l’avènement du Vainqueur du Môle, qui sut d’ailleurs bien résister à toutes les tentatives de la République.